Feldpost 1914-1918

Les marques postales

L'importance du service postal durant la Première Guerre mondiale (1914-1918).

Les états-majors étaient pleinement conscients de l'importance du courrier pour le moral des soldats. Recevoir des nouvelles de la mère patrie était essentiel à leur bien-être. On estime à plus de 28 milliards le nombre d'objets postaux ayant transité par la poste militaire allemande durant les quatre années de guerre.

Les moyens modernes de communication pour l'époque, tels que le télégraphe ou le téléphone, restaient inaccessibles aux simples soldats et à leurs familles. Ainsi, la correspondance postale dominait les échanges, principalement sous forme de lettres, cartes postales, colis et transferts d'argent. La poste militaire accordait la franchise postale à la majorité des courriers envoyés par les soldats et appliquait des frais réduits pour les envois d'argent.

1914 : Un système postal militaire mis à l’épreuve.

Avant la guerre, la poste militaire allemande était organisée en prévision d’un éventuel conflit avec la France. L’expérience acquise lors de la guerre de 1870 avait permis d’améliorer les services, mais ces préparatifs restèrent insuffisants face aux bouleversements qu’allait provoquer la Première Guerre mondiale. La poste aux armées était conçue pour une guerre de mouvement, mais elle ne pouvait anticiper l’ampleur des déplacements et des distances à couvrir. Ainsi, dès les premières semaines du conflit, l’acheminement du courrier rencontra de graves difficultés.

Bien que les liaisons ferroviaires aient été utilisées pour le transport postal, elles n’étaient pas prioritaires, les convois militaires étant réservés aux troupes et aux munitions. De plus, la rapidité des mouvements de troupes compliquait le suivi des unités et retardait l’acheminement des sacs de courrier.

Par ailleurs, la poste civile et la poste aux armées ne s’étaient pas préparées à un afflux aussi massif de courrier et de colis, circulant en permanence dans les deux sens. Ces obstacles cumulés entraînèrent une accumulation considérable de courrier en souffrance, tant en Allemagne que sur le front.

Ce n’est qu’à la fin de l’année 1914 que le système postal commença à se structurer et à fonctionner efficacement. L’enlisement dans une guerre de position facilita alors la gestion du service postal militaire.

1915-1916 : Un système postal optimisé, mais confronté à des défis logistiques.

Dès 1915, le service postal militaire s’organisa plus efficacement sur tous les fronts. Toutefois, face aux adresses souvent incomplètes ou imprécises, le règlement postal devint plus strict afin de limiter les recherches fastidieuses et d’améliorer la distribution du courrier.

Le règlement concernait aussi le contenu des envois s’intensifia également. Les colis envoyés par les familles contenaient parfois des denrées périssables, des liquides inflammables ou encore des allumettes, représentant un risque pour l’ensemble du chargement. Certains soldats envoyaient à leurs proches des munitions récupérées sur le champ de bataille, constituant un danger majeur.

Malgré une planification avancée, les moyens de transport de la poste militaire restaient insuffisants en nombre et en qualité, notamment les véhicules hippomobiles utilisés pour l’acheminement du courrier.

Le manque de personnel qualifié constitua un autre défi majeur. Nombre de fonctionnaires de la poste civile furent réquisitionnés pour servir soit dans la poste militaire, soit dans des unités combattantes. En Allemagne, ces départs durent être compensés par le recrutement d’auxiliaires, hommes et femmes, qui nécessitaient une formation et ne donnaient pas toujours satisfaction.

Dans les bureaux de poste militaires, la situation était similaire : le personnel qualifié pouvait être affecté à des unités de combat, contraignant l’administration à employer des auxiliaires, souvent moins performants. Par ailleurs, la création constante de nouvelles divisions imposa l’ouverture de bureaux de poste supplémentaires, nécessitant la mutation de personnel expérimenté vers ces nouvelles structures.

1917-1918 : Un service postal perturbé par les pénuries et les offensives.

À partir de fin 1917, la situation se détériora à nouveau en raison des pénuries croissantes qui frappaient l’Allemagne. Le manque de pièces détachées et de carburant pour les véhicules, ainsi que la pénurie de graisse et de charbon pour les trains, affectaient lourdement l’acheminement du courrier. Par ailleurs, les préparatifs des grandes offensives du printemps et de l’été 1918 mobilisaient la plupart des ressources logistiques, rendant le service postal encore plus précaire.

Malgré ces difficultés, la poste aux armées parvint à maintenir l’approvisionnement en courrier des troupes sur le front. Toutefois, le principal obstacle demeurait la saturation des transports ferroviaires, entièrement dédiés aux troupes et aux munitions. L’acheminement des colis envoyés par les soldats à leurs familles constituait également un problème majeur. Face aux pénuries en Allemagne, de nombreux soldats expédiaient à leurs proches des denrées et biens divers, achetés ou pillés dans les territoires occupés.

Lorsque les offensives alliées percèrent le front allemand, la poste militaire dut se replier en même temps que les troupes. Le manque de moyens de transport ralentit considérablement l’acheminement du courrier et des colis, dont le volume restait pourtant très important. Dès octobre 1918, même les soldats les plus modestes comprenaient l’issue du conflit. Chacun tenta alors d’envoyer en Allemagne ce qu’il pouvait sauver : nourriture, objets, vêtements, tissus, argent.

L’effondrement du service postal après l’Armistice.

Les jours suivant l’Armistice du 11 novembre 1918 furent marqués par un chaos généralisé dans les territoires encore occupés, notamment en Belgique, où les troupes allemandes étaient en pleine évacuation. Dans ce contexte, la poste militaire cessa progressivement de fonctionner, le personnel étant en marche vers l’Allemagne.

Cet effondrement du service postal militaire marqua la fin d’un système qui, malgré ses lacunes, avait permis de maintenir la communication entre les soldats et leurs familles durant toute la durée du conflit.

Les timbres à date : évolution et spécificités.

Dès la mobilisation, les bureaux de poste furent équipés de timbres à date à un cercle. Cependant, assez rapidement, ces bureaux reçurent des timbres à date à pont, qui remplacèrent progressivement les premiers modèles. Contrairement aux timbres à date à un cercle, qui n’indiquaient que le jour et le mois, ceux à pont comportaient la date complète sous la forme jour/mois/année.

L'absence de l'année sur les premiers timbres à date de la poste militaire s'expliquait par une habitude issue des conflits précédents : jusqu'alors, les guerres étaient généralement courtes, durant rarement plus d’une année. L’indication du millésime était donc jugée inutile. Toutefois, avec la prolongation inattendue du conflit, certains blocs dateurs furent modifiés pour y faire figurer également l'année. Dans la plupart des bureaux de poste, les deux types de timbres à date furent utilisés simultanément.

Les timbres à date à pont (à l'exception des modèles bavarois) comportaient également une indication horaire, suivie des abréviations :

V (Vormittag : matin)

N (Nachmittag : après-midi)

Système de différenciation des timbres à date.

Une particularité des timbres à date allemands réside dans l’ajout possible d’une lettre alphabétique en complément des mentions postales. Ces lettres, allant jusqu’au "d", servaient à différencier plusieurs exemplaires de timbres à date utilisés simultanément ou successivement au sein d’un même bureau de poste. Ce système de lettre de différenciation (Unterscheidungsbuchstabe) était en usage depuis 1875, aussi bien dans la poste civile que dans la poste militaire.

Organisation des bureaux de poste militaires.

Sur le terrain, la poste militaire allemande était structurée autour de trois types de bureaux de poste, chacun disposant de timbres à date spécifiques, dont le libellé variait en fonction de leur rôle dans l’acheminement du courrier.

- Les bureaux des Corps d'Armée: Feldpostamt

Ces bureaux géraient le courrier des Corps d'Armée. Ils étaient dirigés par une Maitre de poste de campagne (Feldpostmeister). Ces bureaux contrôlaient les bureaux des divisions.

- Les bureaux de Divisions: Feldpostexpedition

Ces bureaux géraient le courrier des Divisions. Il étaient subordonnés au bureaux de Corps d'Armée.

- Les bureaux sédentaires : Feldpoststation

Ces bureaux géraient le courrier des troupes se trouvant dans la zone des étapes pour un laps de temps assez long. Ils étaient normalement sédentaires, mais au fil du conflit, certains ont pu changer de ville.

Timbre à date prussien

Timbre à date saxon

Timbre à date prussien

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date prussien

Timbre à date prussien

Timbre à date saxon

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date bavarois

Timbre à date prussien

Timbre à date prussien

Les bureaux de Corps d'armée et de Division étaient mobiles. Les bureaux sédentaires desservaient les unités qui étaient affectées à un endroit pendant un laps de temps assez long.

Au fil du conflit et avec la guerre de position, il est apparu que ces timbres à date étaient trop explicites et permettaient aux agents alliés de situer avec précision les unités allemandes.

Aussi, dès le 15 février 1917, les bureaux ont changé de dénomination et il n'était plus possible d'identifier les unités grâce au timbre à date. Les bureaux de poste devaient ainsi recevoir :

- des timbres à date "camouflés" (Tarnspempel) et libellés avec la mention "Deutsche Feldpost" complétée d'un numéro. Les bureaux de poste des unités (Feldpostamt et Feldpostexpedition) ont pris les numéros de 650 à 1021, tandis que les bureaux sédentaires (Feldpoststation) ont pris les numéros de 1 à 649 et de 2001 à 3113. On ne peut rencontrer ces timbres à date que sur les lettres recommandées ou les lettres comportant des valeurs.

- des timbres à date "muets" ou à étoiles (Stummen Stempel) libellés avec la mention "Deutsche Feldpost" et 3 étoiles.

D'autre part, dès le 15 février 1917 très peu de bureaux avaient reçu un nouveau modèle de timbre à date. On a donc ordonné aux postiers de limer les mentions pouvant permettre d'identifier un bureau ou une unité. Ces timbres à date limés devaient être utilisés jusqu'à réception du nouveau modèle. Cependant, la fabrication des nouveaux modèles ayant pris du retard, on équipa d'abord les nouveaux bureaux, puis les bureaux ayant perdu ou cassé leur timbre à date et enfin ceux qui avaient encore un timbre limé ou gratté.

De ce fait, certains bureaux n'ont jamais reçu de timbre muet et ont continué à utiliser leur timbre à date gratté jusqu'à la fin de la guerre. Malgré tout, ce grattage n'a pas permis de tromper les espions alliés qui arrivaient à reconstruire les timbres à date grattés. Aussi a t-il été décidé en octobre 1917 que chaque bureau d'une même Armée devait échanger son timbre à date gratté avec un autre.

« Le 15 février 1917, comme l'annonce le "Journal Officiel d'Armée", les dispositions suivantes sur les adresses des envois par la poste aux armées entreront en vigueur :

Dans les adresses, sont interdites toutes les indications sur les théâtres d’opérations, l'appartenance à des Armées, Groupes d'Armée, Détachements d'Armée, Corps d'Armée, Divisions et Brigades. L'indication d'un Haut état-major ne peut suivre seulement les adresses des membres de ces états-majors. Les adresses peuvent contenir uniquement l'indication d'un corps de troupe jusqu'au niveau maximum du Régiment, c'est-à-dire : Régiment, Bataillon (Détachement) et Compagnie (Batterie, Escadron) ou Bataillon (Détachement) indépendant, Compagnie (Batterie, Escadron), ou la marque officielle des formations particulières (Hauts états-majors, Colonne, aviateurs, opérateurs radio, etc.).

On ne doit rien ajouter sauf l'indication du Régiment, du Bataillon (Détachement), de la Compagnie (Batterie, Escadron), pas même le numéro de Feldpost au nom des Corps de troupes qui appartiennent à un Régiment.

En supplément du nom des Corps de troupes qui n'appartiennent à aucun Régiment (Bataillons indépendants, Hauts états-majors, Colonnes, aviateurs, opérateurs radio, etc.), il faut ajouter dans l’adresse la mention "Deutsche Feldpost Nr....”. Le numéro de Feldpost est à demander au bureau de poste militaire compétent. Pour les membres des états-majors de Corps d'Armée ainsi que des Divisions et Brigades, le numéro de Feldpost doit rester dans l'adresse. Tous les bureaux de poste de Corps d'Armée et de Divisions sont identifiés en conséquence par la mention "Deutsche Feldpost" et un numéro.

Les adresses de poste aux armées doivent être rédigées par exemple comme suit :

Coupure du Journal de la 1ère Armée en date du 1er février 1917 (Somme-Wacht n° 12 01/02/1917).

a) Sans indication d'un numéro de Feldpost en plus du Régiment.

An Unteroffizier Friedrich Müller

Infanterie-Regiment 91.

1. Bataillon

3. Kompagnie

b) Avec indication d'un numéro de Feldpost, puisque n'appartenant pas à un Régiment.

An Jäger August Meyer

Jäger-Bataillon

2. Kompagnie

Deutsche Feldpost N° 180

c) Avec indication d'un numéro de Feldpost, car formation particulière n'appartenant pas à un Régiment.

An Trainsoldat Otto Schulz

Reserve-Fuhrpark-Kolonne n° 190

Deutsche Feldpost N° 180

Les militaires sont chargés d’annoncer à leurs proches leurs nouvelles adresses. Les proches devront être avertis à chaque changement d'adresse. »

Les timbres d'unité ou de service.

A la différence des timbres à date, les timbres d’unités ne faisaient pas partie du matériel officiellement fourni aux bureaux de poste militaires.

Ces timbres étaient fabriqués par des entreprises privées, à la demande et aux frais des différentes unités militaires (régiments, bataillons, compagnies, etc.). En raison de cette fabrication décentralisée, il en existe une grande diversité, avec près d’un demi-million de modèles différents recensés.

Leur fonction principale était d’indiquer le nom de l’unité expéditrice, souvent accompagné du numéro ou du nom du bureau de poste militaire auquel elle était rattachée. Toutefois, ces mentions étaient fréquemment très laconiques, se résumant à une succession d’initiales ou d’abréviations difficiles à interpréter. Face à cette difficulté, et sur demande de la poste aux armées, les timbres d’unités devinrent progressivement plus explicites après plusieurs mois de guerre.

Un rôle essentiel malgré leur statut non postal.

Bien que ces marques ne soient pas à proprement parler des marques postales, elles remplissaient néanmoins une fonction essentielle :

  • Elles assuraient la franchise postale des lettres et cartes qui les portaient.

  • Elles attestaient que l’expéditeur était bien un militaire ou, du moins, une personne autorisée à bénéficier du service postal militaire

Généralement, le soldat ajoutait manuellement sur l’enveloppe ou la carte postale :

  • son nom,

  • son grade,

  • son unité,

  • le numéro du bureau de poste desservant son unité.

Un courrier dépourvu du timbre d’unité ou d’une mention manuscrite de l’expéditeur pouvait être refusé et retourné à l’expéditeur.

Un usage prolongé jusqu’à la fin du conflit.

Les timbres d’unités furent utilisés tout au long du conflit, souvent frappés à l’avance sur des enveloppes ou cartes vierges afin d’accélérer le traitement du courrier.

Il est fréquent de trouver des cartes ou enveloppes portant uniquement le timbre d’unité, sans timbre à date du bureau de poste militaire. En effet, en cas de forte affluence postale, les bureaux de poste militaires avaient pour consigne de ne pas apposer leur timbre à date afin de gagner du temps et de ne pas retarder le départ des convois postaux.

Après le 15 février 1917, les timbres d'unités ne devaient plus comporter de mention trop explicite comme le nom de lieu, les Divisions, les Corps d'Armée ou Armée. Comme pour les timbres à date, les mentions non autorisées ont été retirées. Avec le temps, les timbres ont été refabriqués selon les nouvelles directives.

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