Service postal de la Chambre de commerce de Valenciennes
Le timbre de la Chambre de commerce de VALENCIENNES est emblématique de l'occupation allemande. Aucune ville en territoire occupé n'a émis de timbre-poste pendant les premiers mois de l'occupation.
Tout commence le 25 août 1914, 1ᵉʳ jour de l'occupation. Dans les jours qui suivirent, les autorités militaires allemandes ont ordonné la réouverture des commerces. Un début de vie économique a repris dans l'arrondissement. Parallèlement, le Président de la Chambre de commerce, Jules Turbot, a demandé à la Kommandantur de VALENCIENNES l’autorisation d’organiser un service postal, car la poste française ne fonctionnait plus.
Cette autorisation fut obtenue rapidement et le 5 septembre, la Chambre de commerce communiquait à la population la création du "service postal intérimaire" ainsi que ses modalités et son démarrage le 7 septembre.
L’imprimeur a sorti 376 feuilles (soit 9400 timbres) dont il en livra 364 à la Chambre de commerce.
La Chambre de commerce se chargeait de la distribution des lettres ainsi que de la collecte dans les communes hors VALENCIENNES. Seules les lettres simples étaient admises.
Au début, ce service concernait VALENCIENNES et les communes desservies par le tramway. Il existait 4 lignes de tramway au départ de VALENCIENNES.
Extrait du livret CHAIX 1914.
Lettre remise à la Chambre de commerce le 21 septembre 1914. Le contrôle postal est matérialisé par la présence du cachet de la Kommandantur d'étapes de VALENCIENNES. Seule une faible minorité de lettre porte un cachet de contrôle.
Des affiches signées du lieutenant colonel KINTZEL commandant la place de VALENCIENNES et Jules TURBOT, Président de la Chambre de commerce ont été placardées en ville.
Le timbre à utiliser représentait le tarif intérieur français, soit 10 c. Son graphisme est des plus basiques. Il a été imprimé en lithographie par l’imprimerie DEHON de VALENCIENNES. L’impression lithographie est un procédé d’impression assez rapide, c’est probablement pour cela que les timbres ont pu être imprimés en très peu de temps entre l’autorisation de la Kommandantur et le démarrage du service. La dentelure (11 1/2) est grossière et l'impression se faisait par feuillet de 25 timbres.
Ces timbres étaient en vente dans les débits de tabac ainsi qu’à la Chambre de commerce.
Assez vite, il fut possible d’envoyer du courrier et en recevoir des communes des cantons de SOLESMES et LE QUESNOY. La liaison postale fût étendue jusqu’au Cambrésis et LILLE.
Les premières affiches ne parlaient pas d’un contrôle postal de la part des autorités allemandes, mais les lettres devaient rester ouvertes, ce qui devait probablement faciliter un éventuel contrôle. Le contrôle postal devait sûrement avoir lieu de manière aléatoire, car au début du service, une minorité de lettres porte le cachet de la Kommandantur de VALENCIENNES où se faisait le contrôle.
La Chambre de commerce apposait son cachet consulaire ovale ainsi que l'empreinte du cachet dateur sur le timbre.
Le 16 septembre, VALENCIENNES qui était jusque-là occupée par la 1ʳᵉ Armée, voit s'installer les troupes de la 7ᵉ Armée. Le 24 septembre, le Lieutenant-Colonel KINTZEL est remplacé par le Major von MEHRIG qui autorise la continuation du service postal intérimaire, mais l'assortit d'une condition supplémentaire ; les lettres devront dorénavant porter le visa des autorités allemandes, c'est-à-dire le cachet de la Kommandantur.
Dans les faits, le contrôle se faisait toujours aléatoirement, car les lettres portant le cachet de la Kommandantur sont infiniment moins nombreuses que celles sans.
Lettre remise à la Chambre de commerce le 16 octobre 1914. Contrôle postal réalisé par la Kommandantur d'étapes de VALENCIENNES.
Un timbre intéressant, mais difficile à collectionner
Comme le timbre de la Chambre de commerce a connu une certaine attirance de la part des collectionneurs, des faux existent et sont reconnaissables à la dentelure 13 1/2 au centrage bien meilleur que l'original.
Mais en fait, ce ne sont pas ces faux qui sont les plus dangereux, ce sont plutôt les courriers fabriqués à base de timbres authentiques.
En effet, sur les 9400 timbres imprimés, la Chambre de commerce en a vendu moins de la moitié. Le stock restant a été détruit. Le timbre de la Chambre de commerce a assez vite intéressé les collectionneurs ; les soldats allemands d'abord, puis les collectionneurs en Allemagne et dans les pays non-belligérants. Il ne fait aucun doute qu'une partie des timbres vendus (et peut-être même une partie du stock restant avant destruction) a été achetée par les allemands. Certains ont confectionné des courriers souvenir. On rencontre ces courriers avec le timbre-poste oblitéré par un cachet de Feldpost. Or, le courrier des militaires bénéficiait de la franchise postale, donc les timbres de la Chambre de commerce n'avaient aucune utilité sur ce type de courrier.
Enfin, il existe quelques lettres portant le timbre de la Chambre de commerce non dentelé. Ces lettres datent toutes du 8 septembre 1914, 1ᵉʳ jour du service et sont toutes écrites de la même main.
Certaines enveloppes vierges (sans adresse) confectionnées par des soldats ont été soumis à l'oblitération à la Chambre de commerce et pour faire encore plus authentique, elles portent aussi le cachet de la Kommandantur.
Plus insidieux, on rencontre des lettres portant tous les attributs de l’authenticité, mais avec des cachets allemands qui n’existaient pas à l’époque du timbre.
A la faveur d'un mouvement des Armées allemandes, la 6ᵉ Armée s'est installée dans le Cambrésis, le Douaisis, le Valenciennois et une partie de l'arrondissement de LILLE en octobre 1914. C'est à peu près à ce moment-là que le service intérimaire a été autorisé par von MEHRIG à fonctionner entre LILLE et VALENCIENNES. Le Haut-Commandement de la 6ᵉ Armée, nouvellement installé à LILLE, n'avait pas entendu parler de ce service et a décidé de l'interdire purement et simplement, si bien que le service postal de la Chambre de commerce a dû cesser ses activités le 30 octobre 1914.
En effet, le service postal de la Chambre de commerce était une exception dans la zone des étapes occidentales, car les autorités allemandes (Quelles que soient les Armées) avaient interdit tout échange de courrier entre habitants des zones occupées.
Lettre de la mairie de VALENCIENNES déposée à la Chambre de Commerce le 8 septembre 1914. Timbre à 10 centimes non dentelé.
Les 2 premiers cachets avec "NORD" en petits en grands caractères se retrouvent fréquemment sur le courrier portant le timbre de la Chambre de commerce, la mairie de VALENCIENNES expédiant beaucoup de courrier.
Le 3ᵉ cachet (plus grand que les précédents) avec "Nord" en minuscules ne se trouve que sur du courrier portant le timbre non dentelé.
Il m'a été donné de recenser 7 lettres destinées à :
Monsieur Risbourg, meunier à Bouchain
Monsieur Fauville, brasseur à Bouchain
Monsieur Mallez, entrepreneur à Denain
Messieurs Delerue Frères, sucrerie à Raismes
Monsieur Davaine, distillateur à St Amand
Monsieur Plumecocq, chaudronnier à Douchy
Monsieur Hélard, maire de Bruay sur l'Escaut
Ces destinataires étaient des professionnels exerçant une activité dans différents domaines n'ayant rien à voir avec la philatélie. A l'époque de ces lettres, ils vivaient bien dans le Valenciennois.
L'empreinte du dateur au 8 septembre 1914 est identique à celle des lettres de la même date portant des timbres dentelés.
Enfin, ces timbres sont authentiques et tous authentifiés par des experts différents. Il pourrait donc s'agir de timbres appartenant à un feuillet qui aurait échappé à la dentelure.
Une majorité d'éléments poussent donc à croire qu'il s'agit de lettres tout fait authentiques, même si certaines questions sur le cachet de la mairie ainsi que l'écriture de l'expéditeur demeurent en suspens.
En conclusion, on peut dire que ce timbre a vécu une période compliquée pendant les premiers mois de la guerre où les choses n'étaient pas encore stabilisées. Les autorités allemandes ont pu autoriser, amender ou supprimer des dispositions que d'autres autorités avaient validées avant elles. Cette période troublée fait du timbre de la Chambre de commerce un sujet intéressant, mais difficile à collectionner.
Il nécessite en effet quelques précautions avant tout achat. Un examen attentif des marques ainsi que des adresses des destinataires peut éviter certaines déconvenues. Il faut s'assurer enfin que les destinataires se trouvent bien tous dans les localités desservies par le tramway.
Les 3 premiers cachets proviennent bien de l'Etappen-Kommandantur 6/XIV de VALENCIENNES, mais uniquement dans la période de la 6ᵉ Armée (c'est-à-dire à partir de mi-octobre 1914). Les lettres qui les portent sont souvent datées de septembre 1914.
Le cachet libellé "Mob. Et. Kommandantur 158/Deutsche Feldpost 45" ne peut avoir coexisté avec le timbre de la Chambre de commerce, puisque la mention "Deutsche Feldpost..." apparaît en février 1917.