Cachet Via Alsace
Entre 1872 et 1874 (dernière date connue), il arrive que l'on rencontre des lettres à destination de la Suisse portant le cachet VIA ALSACE.
Une analyse succincte de ces lettres nous montre :
- qu'elles proviennent, en général, de la moitié nord de la France ou de pays du nord pour lesquels la France assurait un transit postal vers la Suisse ;
- qu'elles sont toutes insuffisamment ou pas affranchies du tout ;
- qu'elles sont entrées en Suisse par BALE.
Lettre de LILLE pour DAGMARSELLEN (Suisse) insuffisamment affranchie à 25 c.
Le tarif pour la Suisse était depuis le 1ᵉʳ octobre 1865 de 30 c. La convention postale franco-suisse du 22 mars 1865 prévoyait que dans le cas d'une lettre insuffisamment affranchie, la taxe à percevoir sur le destinataire était la différence entre le port d'une lettre non affranchie (50 c) et le montant des timbres apposés sur la lettre. Cependant, si la taxe présentait une fraction de décime, il fallait l'arrondir au décime supérieur. Ainsi, ici, nous avons :
- taxe de la lettre non affranchie : 50 c
- montant de l'affranchissement : 25 c
- taxe à payer 50 c - 25 c = 25 c arrondis à 30 c.
La convention postale franco-suisse de 1865 prévoyait 2 points principaux de sortie des dépêches françaises vers la Suisse : ST LOUIS et PONTARLIER.
Cependant, à partir de 1871, un nouvel acteur est venu s'immiscer dans les relations postales franco-suisses, il s'agit de l'Allemagne.
En effet, depuis l'annexion des départements de l'Est par l'Allemagne, la France pouvait toujours faire passer les dépêches vers la Suisse par PONTARLIER, mais elle devait aussi pouvoir garder un accès plus direct et plus fréquemment desservi concernant le courrier provenant de la moitié nord de la France.
Ainsi le 15 février 1872, la voie vers BALE est rouverte, mais en passant par BELFORT (au lieu de ST LOUIS) et l'Alsace annexée (bulletin mensuel de l'Administration des postes n° 35, février 1872).
Ce passage par l'Alsace augmentait le coût du transport et les droits de transit à accorder à l'Allemagne. Nous n'avons pas les chiffres pour la France, mais en 1872 par exemple, la Suisse a dû payer 11700 Fr de plus qu'en 1871 pour les droits de transit par l'Alsace (rapport du conseil fédéral de 1872, page 163). En 1873, la Suisse versait encore 20700 Fr à l'Allemagne au titre des droits de transit (rapport du conseil fédéral de 1873, page 37).
Marque suisse ou française ?
Les sources primaires à notre disposition ne l'expliquent pas, mais le cachet VIA ALSACE était avant tout une marque comptable suisse, probablement apposée à BALE, devant permettre d'identifier la voie empruntée et ainsi rémunérer le bon pays (ici l'Allemagne). La France n'avait aucun intérêt à identifier la voie empruntée par ses dépêches dans le sens France-Suisse. Elle aurait pu avoir un intérêt à le faire dans l'autre sens, mais ce cachet ne se rencontre jamais sur des lettres suisses en direction de la France.
Concernant les lettres non ou insuffisamment affranchies, la Suisse devaient pouvoir identifier la voie empruntée, car elle devait reverser une partie de la taxe soit à la France si passage par PONTARLIER ou à l'Allemagne si passage par l'Alsace.
On ne sait pas non plus quand ce cachet a été mis en service, mais on peut supposer qu'il est apparu avec l'application de la convention postale franco-allemande de février 1872 (applicable au 22 mai 1872). Le rapport du conseil fédéral suisse de 1872 (page 139) liste parmi les décisions principales de l'année concernant la Poste "Introduction de l'échange de dépêches directes avec la France, transitant par l'Alsace, en application de la convention entre l'Allemagne et la France".
Les premières lettres connues datent de décembre 1872.
La dernière lettre connue, postée à COMPIEGNE, date du 23 septembre 1875.
La fin de ce cachet est, elle aussi, peu documentée, mais on peut supposer qu'elle a eu lieu lorsque la France est rentrée dans l'Union Générale des Postes le 1er janvier 1876, la Suisse et l'Allemagne y étant déjà depuis le 1ᵉʳ juillet 1875. Les droits de transit interpays ont probablement été revus.
Ce cachet est sûrement très peu courant, car il servait uniquement sur du courrier non ou insuffisamment affranchi. A l'époque, l'immense majorité du courrier vers la Suisse circulait en port payé. De plus, il ne concerne qu'une voie d'accès à la Suisse, celle de BELFORT à BALE.