La poste d'étapes
Courrier des travailleurs civils
L’Allemagne qui avait d’énormes besoins en main d’œuvre a d’abord tenté de recruter sous contrat de travail allemand des ouvriers belges et français pour travailler par ordre de priorité d’abord en Allemagne, puis dans la zone des opérations ou la zone d’étapes et enfin dans le Gouvernement Général de Belgique. Face au peu de succès des campagnes de recrutement de travailleurs étrangers, les allemands ont mis en place un système de travail forcé et ont incorporé les travailleurs requis dans des bataillons de travailleurs civils (Zivil Arbeiter Bataillonen ou Z.A.B) créés dès le 3 octobre 1916.
Un bataillon devait être composé de 4 compagnies de 500 à 550 travailleurs. Les compagnies d’un même bataillon n’étaient pas affectées au même endroit. Une compagnie de Landsturm (soldats territoriaux) était chargée de la surveillance et de la subsistance du Z.A.B.
En échange de ce travail, les ouvriers étaient logés, nourris et payés (40 c pour un ouvrier et 65 c pour un contremaître). La paie était calculée par jour effectivement travaillé. Le salaire était versé hebdomadairement. Afin de prévenir toute tentative de fuite, chaque travailleur ne pouvait détenir sur lui plus de 10 Mark. Avant toute incorporation, un médecin militaire vérifiait l’aptitude au travail de l’ouvrier et si, notamment, il n’était pas atteint du typhus.
Enfin, ces ouvriers requis devaient porter au bras droit un brassard d’une largeur de 10 cm rouge pour les français, jaune pour les belges et vert pour les russes. Les contremaîtres devaient porter en plus un brassard blanc. Le travailleur devait porter en évidence sur sa veste le n° de sa compagnie ainsi que son matricule.
Concernant le courrier des travailleurs civils en général, l’Administration allemande faisait une distinction entre les travailleurs volontaires et les travailleurs forcés (affectés dans les Z.A.B). Elle tenait compte aussi du lieu où étaient employés ces travailleurs. Les ouvriers libres sous contrat allemand dans la zone des étapes avaient droit à une lettre (dans une enveloppe ouverte) de quatre pages (de dix lignes) ou une carte par semaine en envoi et réception. Ils ne pouvaient recevoir qu’un seul colis de 5 Kg maximum par semaine, mais ne pouvaient en envoyer. Les cartes devaient être affranchies à 10 c et les lettres à 25 c.
Les travailleurs contraints qui se trouvaient dans les Z.A.B avaient droit d’obtenir de leurs proches et d’envoyer une carte par semaine. Ils pouvaient recevoir un paquet de 5 Kg par mois et pouvaient envoyer 2 mandats d’un minimum de 5 Frs dans le mois. L’utilisation d’un entier postal spécial était obligatoire.
Le courrier pour les travailleurs était déposé dans les Commandantures locales ou d’étapes. Celles-ci vérifiaient la fréquence d’envoi et la justesse de l’adresse et des mentions postales. Après le 15 février 1917, il ne devait plus y avoir de mention de lieu dans l’adresse postale. Les Commandantures ne devaient surtout pas apposer leur cachet de service. Elles regroupaient les cartes en dépêches et les envoyaient au centre de contrôle postal. Celui-ci contrôlait le contenu de la correspondance, oblitérait le timbre-poste, confectionnait à nouveau des dépêches et les envoyait via la Feldpost au centre de contrôle postal de l’Armée qui contrôlait la zone où l’ouvrier civil travaillait. Après ce nouveau contrôle, le courrier était dirigé vers le service ou l’unité militaire qui employait l’ouvrier.
Le courrier des ouvriers vers leurs proches était déposé auprès du service ou l’unité militaire qui employait l’ouvrier. Celui-ci vérifiait plusieurs points :
- que seule la carte postale à 10 c était utilisée. Cette carte pouvait être obtenue auprès du service qui employait le travailleur civil. Ce modèle de carte était fourni par l’Intendance d’étapes (Etappenintendantur);
- que le matricule de l’ouvrier figurait bien sur la carte ;
- qu’aucune indication de lieu ne figurait sur la carte ;
- la fréquence d’envoi.
Les cartes étaient réunies en dépêches portant la mention « Sendungen von Zivilarbeitern » (correspondances de travailleurs civils) et envoyées au centre de contrôle postal. Après contrôle du contenu, les cartes étaient envoyées via la Feldpost vers les Commandantures des lieux où habitaient les destinataires. Il ne devait figurer sur la carte aucun cachet de service ni même de timbre à date de la poste aux armées.
VALENCIENNES (1ʳᵉ Armée) vers HASSELT (Gouvernement Général de Belgique). Lettre d’un travailleur libre assigné au port fluvial de VALENCIENNES (Hafenamt). Elle n’est pas datée, mais nous pouvons supposer qu’elle a été écrite en février 1917.
En effet, le centre de contrôle postal de la 1ʳᵉ Armée a utilisé le cachet “Zulässig Militärische Ueberwachungsstelle des Post-und Gütterverkehrs “ sans la mention “1. Armee”) dès début février 1917.
Les premiers entiers postaux destinés aux travailleurs civils ont été émis le 1er décembre 1916. 2 types ont été imprimés.
MARETZ vers LOURCHES (1ʳᵉ Armée), le 8 mars 1917.
Adressée à un travailleur civil, cette carte a été déposée à la Commandanture locale de MARETZ où elle a reçu la marque "Geprüft“. Elle a ensuite été dirigée vers le centre de contrôle postal de la 1ère Armée qui a apposé son cachet "geprüft Militärische Ueberwachungsstelle des post-und Gütterverkehrs“).
Entier au Type 2.
MARLY (2ᵉ Armée) vers DOLHAIN (Belgique), 16 septembre 1917.
De nombreux belges ont été envoyés au travail en France occupée, mais pas toujours dans des Z.A.B. Ici, ce travailleur a été affecté à une usine de construction de Wagon (Wagenbau Anstalt) travaillant pour les Allemands.
Contrôle postal à VALENCIENNES par la 2ᵉ Armée, cachet "Geprüft P.Ü.St".
Entier au Type 2.
Feldpostkarte utilisé par un travailleur civil le 28 novembre 1916.
A cette date, l’entier postal à 10 c n’est pas encore émis.
La carte est sous affranchie, mais n’a pas été taxée.
Contrôle postal de la 1ère Armée, cachet “Militärische Ueberwachungsstelle des Post-und Gütterverkehrs 1. Armee“.
Le Zivil-Arbeiter-Bataillon 1 a été créé le 4 octobre 1916 et attribué à l’Inspection d’étapes de la 1ère Armée.
MOUZON (Ardennes, 3ᵉ Armée) vers VALENCIENNES (2ᵉ Armée), 2 septembre 1917.
Carte écrite par un travailleur civil affecté au Z.A.B. n° 34 dans les alentours de MOUZON (Deutsche Feldpost 947, 9ème Division de Landwehr). Contrôle par le centre de contrôle postal de la 3ᵉ Armée, la Postüberwachungsstelle n° 28, qui a apposé son cachet "P.Ü.St GEPRÜFT”.
Entier au type 1.
Un passage de la carte a été maculé d'encre par le centre de contrôle postal.
LEERS-NORD (Belgique, 6ᵉ Armée) vers la zone d’étape de la 17ᵉ Armée, 5 avril 1918.
Contrôle postal par la 6ᵉ Armée à TOURNAI, cachet "P.Ü.St”. La 17ᵉ Armée ne semble pas avoir fait une seconde vérification. La Feldpoststation n° 408 se trouvait à BOUCHAIN.
QUIEVRECHAIN (17ᵉ Armée) vers OSTERFELD, Allemagne, 18 avril 1918. Entier postal envoyé à un prisonnier civil qui travaillait pour la mine d’OSTERFELD-ZONDERN.
Contrôle postal à MONS, cachets “P.Ü.S.” et “Zulässig 6 Postüberwachungsstelle”.
Les habitants des zones du Gouvernement Général de Belgique n'utilisaient pas de carte de travailleurs civils, car ils n'en avaient pas à disposition. A la place, ils utilisaient des entiers à 10 c du Gouvernement Général.
UCCLE (Gouvernement Général de Belgique) vers RUMIGNY (Feldpoststation n° 324, 7ᵉ Armée), 6 janvier 1917. Entier postal pour un travailleur civil qui n’était plus dans la zone de la 7ᵉ Armée, mais en prison à VALENCIENNES (mention bleue Schutzhaft Valenciennes).
Contrôle postal par la 1ʳᵉ Armée à VALENCIENNES, cachet "geprüft Militärische Ueberwachungsstelle des post-und Gütterverkehrs“.
MARLY (2ᵉ Armée) vers DOLHAIN (Belgique), le 24 février 1918.
Contrôle postal à VALENCIENNES par la 2ᵉ Armée, cachet "Geprüft P.Ü.St".
Probablement à cause d’une pénurie d’entier au type “Zivilarbeiterpostkarte”, l’expéditeur a dû se servir d’un entier standard.
A partir d’août 1917, un nouveau modèle d’entier pour travailleurs civils apparaît. Il est imprimé sur carton blanc afin de rendre plus difficile les écritures à l’encre invisible.
Il arrivait aussi que certains travailleurs civils belges en France occupée utilisent des entiers du Gouvernement Général de Belgique alors que c'était interdit, car seuls les timbres surchargés "Cent" avaient cours dans les étapes.